Les brouillards noirs by Patrice Gain

Auteur:Patrice Gain [Gain, Patrice]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Thriller, Roman noir, Littérature française
Éditeur: Albin Michel
Publié: 2022-12-09T00:00:00+00:00

Il était midi passé quand j’ai pu récupérer mes affaires. Le maillot taché de sang avait disparu. L’ordinateur prêté par Ueli aussi. Il y avait une copie de la vidéo dessus, mais j’avais gardé avec moi la carte mémoire et le téléphone de Maude – en somme, tout ce qui était important. Je suis retourné à Tórshavn comme j’étais venu. Le flic m’a dit que c’était certainement l’agence de location qui avait récupéré ma voiture parce qu’il n’y avait jamais de vol sur les îles. Au regard de leurs tailles, ça me semblait assez logique : il était inenvisageable qu’un véhicule volé se fonde dans la masse.

Quand nous sommes arrivés, le soleil s’était laissé piéger par une brume glaciale qui éteignait le jour et pesait sur la ville. Le flic m’a laissé à un carrefour en me disant que la guesthouse était à cinq minutes. Il m’a fallu cinq fois plus de temps pour la rejoindre. J’ai eu la désagréable surprise de trouver mes affaires dans le hall d’entrée. Je suis allé frapper à la porte du propriétaire pour avoir des explications, mais il ne m’a pas ouvert. Je me suis dit qu’il n’y avait pas que Jakup Danielsen qui représentait une menace, que c’était tout l’archipel qui s’était ligué contre moi. Je me suis assis sur ma valise, fatigué et totalement découragé. Puis j’ai pris la direction du port. Je me devais de dire à Ueli que son ordinateur avait été volé dans la nuit et prendre des nouvelles de Martha aussi. Pour être honnête, c’était surtout du réconfort que j’allais chercher. Il y avait, dans cette équipe de militants ayant côtoyé Maude, une atmosphère qui me rassérénait. Je savais que le lendemain elle ne serait plus là, embarquée sur le ferry autant que dans une autre campagne d’Ocean Kepper, et un sentiment d’abandon m’assaillait déjà. Je me retrouvais comme au premier jour dans ces îles, mon violoncelle sur le dos, tirant ma valise à roulettes, sur laquelle j’avais fixé le sac à dos de Maude. Je me faisais l’effet d’un hobo, d’un clochard que le céleste n’aurait pas effleuré.

Je me traînais ainsi quand mon téléphone a sonné. C’était Susan, la responsable de l’équipe d’Ocean Kepper.

– Je voulais m’excuser. J’aurais aimé avoir plus de temps à vous consacrer, mais c’est la première fois que nous avons à faire face à ce genre de situation. Perdre l’un des nôtres et ne plus avoir de nouvelles de Maude est dramatique et difficile à vivre. Nous quitterons les Féroé demain matin à six heures. Bien sûr, nous sommes et resterons à vos côtés.

– Ueli m’a informé de votre départ. Je me proposais de passer le voir, je ne suis pas très loin du port. Nous pouvons nous y retrouver.

– Oui, faisons cela. À tout de suite.

Sur le quai des ferrys, les barrières Vauban qui parquaient les voitures, comme les hommes, avaient disparu. Nul agent ou militaire ne restreignait l’accès à la zone. Ça m’a étonné.

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